Il n'a pas une image juste, il y a juste une image
J.L Godard
Au commencement, bien avant
le verbe, est apparu le signe. celui du premier homme qui osa,
il y a plus de vingt-sept mille ans dessiner sur la paroi d’une
caverne une image d’un monde merveilleux et inquiétant qui se
révélait à lui. C’était la naissance de l’art provoquée par
l’ardente volonté de l’homme d’affirmer son existence, de
représenter sa condition pour mieux la comprendre et s’en
libérer, en un mot de faire face à son destin. Ce premier geste
est aussi la manifestation de son pouvoir de recréer à l’égal
d’un dieu, un univers qu’il cherche à appréhender et qui lui
résiste
J.F Domergue
Passé
un niveau de conscience, ce ne sont plus des idées que l’on
voit, que l’on essaie
de traduire...
on entend.
Il y a
littéralement des vibrations ou des ondes, des rythmes
qui s’emparent
du chercheur,
qui
l’envahissent puis se recouvrent de mots et d’idées ou de
musiques, de couleurs...
Mais le mot ou
l’idée, la musique, la couleur sont des résultats,
un effet
secondaire.
Ils donnent
seulement corps à cette vibration première, terriblement
impérieuse...
Et si le poète,
le vrai, corrige et recorrige, ce n’est pas
pour améliorer
la forme, comme on dit, ou pour dire mieux, mais pour attraper
cette chose
qui vibre.
Et si la
vibration n’est pas là, toute la magie s’écroule
Shri
Aurobindo
La création artistique ne relève pas de
l’inconnaissable ni du mystérieux. Elle suppose à
l’origine un besoin de découverte qui accompagne
l’intuition d’une inconnue déjà possédée mai non
intelligible et qui sera mise en forme par la technique.
L’intelligence est capable de chercher n’importe quoi
mais à elle seule elle ne peut rien trouver et
inversement l’instinct trouve du premier coup mais ne
trouve qu’une seule chose. L’intuition créative est
capable des deux à la fois, de chercher et de trouver.
La chose recherchée était déjà en soi mais il
fallait y penser et l’homme commence par la découverte
c’est à dire par la fin
Pour commencer il faut commencer et on n’apprend pas à
commencer , pour commencer il faut simplement du
courage
Jankelevitch
L’œuvre
d’art ne s’épuise pas toute entière dans les lignes, les
courbes, les surfaces, les creux et les entailles de la pierre,
dans les couleurs, les sons, les combinaisons harmonieuses des
mots. Comme le langage l’art sert tout d’abord à exprimer un
contenu. S’il est vrai qu’il crée des apparences et en vit c’est
à condition de nous faire entrevoir dans son apparence même
quelque chose qui dépasse l’apparence : la pensée.
Hegel
Je ne puis vivre
personnellement sans mon art. Mais je n’ai jamais placé cet art
au-dessus de tout. S’il m’est nécessaire au contraire, c’est
qu’il ne se sépare de personne et me permet de vivre, tel que je
suis, au niveau de tous. L’art n’est pas à mes yeux une
réjouissance solitaire. Il est un moyen d’émouvoir le plus grand
nombre d’hommes en leur offrant une image privilégiée des
souffrances et des joies communes. Il oblige donc l’artiste à ne
pas s’isoler ; il le soumet à la vérité la plus humble et la
plus universelle. Et celui qui, souvent, a choisi son destin
d’artiste parce qu’il se sentait différent, apprend bien vite
qu’il ne nourrira son art, et sa différence, qu’en avouant sa
ressemblance avec tous. L’artiste se forge dans cet aller-retour
perpétuel de lui aux autres, à mi-chemin de la beauté dont il ne
peut se passer et de la communauté à laquelle il ne peut
s’arracher. C’est pourquoi les vrais artistes ne méprisent
rien ; ils s’obligent à comprendre au lieu de juger. Et, s’ils
ont un parti à prendre en ce monde, ce ne peut être que celui
d’une société où, selon le grand mot de Nietzsche, ne régnera
plus le juge, mais le créateur, qu’il soit travailleur ou
intellectuel
Camus
Le tableau n’est pas pensé
et fixé d’avance. Pendant qu’on le fait, il suit la mobilité de
la pensée, fini, il change d’avantage selon l’état d’esprit de
celui qui le regarde. Un tableau vit sa vie comme un être vivant
subit les changements que la vie quotidienne nous impose. Cela
est naturel puisqu’un tableau ne vit que par celui qui le
regarde
Picasso
Les moments de doute,
les résultats
toujours en dessous de ce que nous rêvons ;
et le peu d'encouragements des autres, tout
cela contribue à nous écorcher aux ronces.
Eh bien, après qu'y faire, si ce n'est rager,
se battre avec toutes ces difficultés,
même terrassé, dire encore.
Toujours et toujours. Au fond, la peinture
est comme l'homme, mortel mais vivant
toujours en lutte avec la matière.
Si je pensais à l'absolu, je cesserais de faire
tout effort même pour vivre.
Paul Gauguin
la
réalité d'une oeuvre c'est le triple regard qui s'établit entre
la chose qu'elle est, le peintre qui l'a peinte et celui qui la
regarde, et là, tout ce que sont les hommes entre en jeu: leur
histoire, tout ce qui les a fait et ce qu'ils sont, leur
sensibilité, leur personnalité etc...
.....Si
ma peinture porte la marque de ce que je suis, moi-même je ne
peux porter que celle du monde, de l'époque, de la société, de
la culture qui m'ont fait. C'est bien naturel, rien n'échappe à
tout cela, ni les hommes, ni la peinture
.
...La
vrai raison d'être de l'art est ailleurs. Quand je suis touché
par un menhir gravé par des hommes dont j'ignore tout, ce n'est
pas que j'y retrouve leurs états d'âme, ni la transcription de
ce qu'ils sont et que je ne saurai jamais, ce qui m'émeut c'est,
à travers l'organisation des traits, la qualité de l'incision,
la volonté obstinée que j'y lis de marquer une trace dans cette
pierre dressée et de l'élever à la qualité de figure.
Soulages
Enchaînés par des
lois, claires comme la pensée ancienne et simples comme les
nombre musicaux, les caractères pendent les uns aux autres,
s'agrippent et s'engrènent dans un réseau irréversible,
réfractaires même à celui qui l'a tissé. Sitôt incrustés dans la
table _ qu'ils pénètrent d'intelligence_ les voici dépouillant
les formes de la mouvante intelligence humaine devenue pensée de
la pierre dont ils prennent le grain.
De là
cette composition dure, cette densité, cet équilibre interne et
ces angles, qualités nécessaires comme les espèces géométriques
au cristal. De là ce défi à qui leur fera dire ce qu'ils
gardent. Ils dédaignent d'être lus, ils ne réclament point la
voix ou la musique, ils méprisent les tons changeants et les
syllabes qui les affublent du hasard des provinces. Ils
n'expriment pas, ils signifient. Ils sont.
V. Segalen
La
peinture vient de l'endroit où les mots ne peuvent plus
s'exprimer
Gao Xin Jian
L'artiste ne restitue pas le visible, il rend visible
Klee
Mais moi, niant ce que je vois,
je dirais de mes illuminations
celles qui me viennent
Je me prends à composer une chose
dressée dans l'illusion,
dans le nom, unique,
dans le sens, plurielle.
En la cherchant,
je cherche le lieu nulle part.
Comme si ne poursuivais
la beauté d'une chose
indiscernable devant moi
Abû Nuwas
"L'art
est une source de connaissance, tout comme la science ou la
philosophie. Et la grande lutte entreprise par l'homme pour sans
cesse affiner sa perception de la réalité, cette lutte où il
retrouve grandeur et liberté, ne peut aboutir s'il manie des
idées déjà formulées et déjà réalisées. Des formes caduques ne
peuvent pas servir des idées nouvelles. Quand les formes ne sont
pas capables d'agresser la société qui les reçoit, de la
déranger, de l'inciter à la réflexion, de lui dévoiler son
propre retard, quand elles ne sont pas en rupture, il n'y a pas
d'art authentique. Devant une véritable œuvre d'art, le
spectateur doit ressentir la nécessité d'un examen de
conscience, d'une révision de son domaine conceptuel. L'artiste
doit lui faire toucher du doigt les limites de son univers, et
lui ouvrir des perspectives nouvelles. Il s'agit là d'une
entreprise véritablement humaniste. Lorsque le grand public se
trouve en parfait accord avec certaines formes artistiques,
c'est que ces formes, trop satisfaisantes, ont perdu toute
virulence. Sans choc, il ne peut y avoir d'art. Si une forme
esthétique n'est pas capable de dérouter le spectateur et ne
bouleverse pas sa façon de penser, ce n'est pas une forme
artistique pour aujourd'hui.
A Tapies
Vivre un
rituel, avec le temps, avec l'espace - la conscience de soi et
la sensation. Etre présent, et un jour l'être sans l'être.
Jean-Yves
Mock
Imaginons que la première couleur que j’applique sur la toile,
soit le rouge. Ce geste va conditionner tout le reste. Ensuite,
je peux rajouter du jaune, un peu de bleu puis éventuellement
recouvrir le rouge de noir, transformer le bleu en jaune, le
jaune en violet, le noir en blanc... Tout est possible.... mais
il n’empêche que l’ensemble du processus a commencé avec ce
premier rouge. Si je n’avais pas mis d’abord du rouge, tout le
tableau aurait été différent. Y a-t-il un système, un ordre dans
ce chaos ?
K. Appel
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La
couleur étant en elle-même énigmatique dans les sensations
qu’elle nous donne, on ne peut logiquement l’employer
qu’énigmatiquement, pour donner les sensations musicales qui
découlent d’elle-même, de sa propre nature, de sa force
intérieure, mystérieuse, énigmatique. Au moyen d’harmonies, on
crée le symbole.
P. Gauguin
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J’ai
compris qu’il fallait créer de nouvelles structures aux couleurs
pures, construites à partir des couleurs elles-mêmes. Puis, que
la couleur devait s’écarter du mélange pictural pour devenir
un facteur indépendant entrant dans la composition en tant
qu’élément individuel et qu’entité indépendante au sein d’un
système collectif
Malevitch
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Et si je
devais placer ma confiance dans quelque chose, ce serait dans la
psyché du spectateur sensible, libre de tout modèle de pensée
conventionnelle. Je n'aurais aucune idée de la manière dont il
pourrait user de ces images pour les besoins de son esprit, mais
tant que ces deux choses _ le besoin et l'esprit_ sont
présentes, on est garanti qu'il y a un échange vrai
Rothko
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